Tous les quatre ans, le Pentagone est tenu de remettre au Congrès américain une « revue stratégique quadriennale », ou Quadriennal Defense Review (QDR), sorte de Livre Blanc de la Défense américaine dont l’édition 2014 est parue en mars dernier (il existe d’autres documents stratégiques américains essentiels, en particulier la National Security Strategy publiée par la Maison Blanche et dont le prochain opus était également prévu pour début 2014 – on l’attend toujours).

DoD QDR

Que nous apprend donc la dernière revue stratégique du Pentagone ? Peu de chose en réalité. La QDR 2014 a en effet repris les grands principes de la directive stratégique de janvier 2012, « pivot » vers l’Asie Pacifique pour la direction (et réorientation) générale et empreinte légère comme forme privilégiée d’engagement.

La QDR insiste également sur deux autres priorités déjà largement annoncées : innovation technologique et coopération avec les alliés « dont certains peuvent désormais grâce à leurs capacités croissantes jouer un rôle plus important voire déterminant (leading role) pour promouvoir nos intérêts stratégiques communs dans leurs régions respectives ».

En bref, on peut relire sans inquiétude mon précédent post sur la transition stratégique américaine : tout y est déjà.

Par ailleurs, la QDR – légèrement amendée juste avant sa parution pour effacer la référence à la Russie comme partenaire et désamorcer les critiques (c’est raté) – confirme non seulement le pivot (malgré l’Ukraine donc) mais aussi la volonté de se confronter directement à Al Qaeda (avec les forces spéciales ou par alliés et partenaires interposés), notamment au Yémen et en Afrique du Nord.

À ce sujet on pourra consulter la publication fort à propos de la RAND (Countering Others’ Insurgencies: Understanding U.S. Small-Footprint Interventions in Local Context),une évaluation sur plusieurs dizaines d’opérations LFO (light footprint operations), aux conclusions assez peu encourageantes par ailleurs, sauf quand des conditions très spécifiques sont réunies (Colombie, Philippines). Sur le même thème, penser également aux multiples prises de parole de l’amiral McRaven, commandant de SOCOM, notamment toujours au sujet de l’Afrique.

Pas de surprise donc. S’il y a un élément significatif à retenir, c’est plutôt la publication simultanée de la QDR et du budget, qui vise à montrer au Congrès les limitations et les défis au Pentagone posés par la séquestration (en « pause » pour raisons électorales, voir l’accord budgétaire de décembre 2013). Le secteur à réformer en priorité demeure celui des pensions, retraites et assurances santé des militaires (1/3 du budget de la défense américaine). Les résistances viennent du Congrès, cibles de puissantes associations de vétérans (particulièrement puissantes en période électorale).

Le prochain débat décisif aura lieu autour du budget pour l’année fiscale 2016 (en mars 2015) : se posera alors réellement, en particulier au Congrès qui détient les cordons de la bourse, la question de l’avenir du leadership global et du rôle international des Etats-Unis.

Car la QDR confirme également (toujours sans surprise, sans doute) la volonté américaine de défendre « la stabilité de l’ordre international actuel qui repose sur le rôle des forces armées américaines » (plus précisément en anglais : “a stable international order, underwritten by the U.S. military’s role and that of our allies and partners in ensuring freedom of access and the free flow of commerce globally”).