Alors que les élections de mi-mandat approchent, des candidats et des élus multiplient les propos qui sonnent comme de véritables appels aux armes. Cette normalisation est dangereuse, dans un pays qui détient le record mondial d’armes à feu par habitant et de tueries de masse.

Ma dernière chronique pour Mediapart (article bouclé le 28 octobre juste avant l’attentat contre les Pelosi): j’en reproduis le début ci-dessous. Sur le même thème, j’étais l’invitée de Mediapart A l’Air Libre le 3 novembre, émission à revoir ici en accès libre.

A dix jours des midterms, l’état de la démocratie américaine préoccupe les électeurs : 71 % pensent que la démocratie est menacée – mais 7 % seulement en font une priorité. L’an dernier, l’organisation Freedom House mettait pour la première fois les États-Unis dans la liste des pays qui font face à une crise aiguë de leur démocratie.

En cause, le refus de Donald Trump de reconnaître sa défaite, ses mensonges sur les « fraudes et l’élection volée », et bien sûr la tentative de renverser les résultats et empêcher la passation du pouvoir à Joe Biden par l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, au moment de la certification de l’élection par le Congrès.

Une violence politique en hausse

Cet été, le New York Times faisait sa une sur l’explosion des références à une nouvelle guerre civile après le raid du FBI sur Mar-a-Lago (il s’agissait de récupérer des documents secret défense conservés par Trump) : + 3 000 % de mentions sur Twitter en quelques heures, et plus encore dans les réseaux de la bulle d’extrême droite, Gab, Parler, et le réseau de Trump, Truth Social. Avec une particularité : la prévalence de commentaires appelant de leurs vœux cette violence, vue comme une résistance légitime contre le FBI et le gouvernement fédéral accusés de persécuter l’ancien président.

On avait déjà vu une inflation des discussions, colloques, articles et livres consacrés au sujet. Mais la conversation s’est désormais étendue au grand public. Ce n’est pas une métaphore : des candidats (Doug Mastriano) et des élus (Marjorie Taylor Greene) multiplient les propos qui sonnent comme de véritables appels aux armes. Cette normalisation est dangereuse, dans un pays qui détient le record mondial d’armes à feu par habitant et de tueries de masse.

Lire la suite

Eléments de bibliographie:

Je parle en particulier de trois livres dans cette chronique.

Le passionnant dernier livre de Liliana Mason, avec Nathan Kalmoe, sur la radicalisation politique américaine: Radical American Partisanship, paru en 2022. J’avais beaucoup apprécié son précédent, Uncivil Agreement, dont je parlais ici sur ce blog.

Le livre de Barbara Walter, How Civil Wars Start, dans lequel l’autrice applique aux Etats-Unis une grille de lecture sur les Etats faillis développée par la CIA dans les années 1990 pour évaluer les conditions qui ont déterminé le basculement vers la guerre civile de dizaines de pays des années 1950 aux années 1990. Passionnant également, en particulier les résonances avec la désintégration de la Yougoslavie (mon sujet de thèse, publié en 2013).

Et le livre de Steven Levitsky et Daniel Ziblatt, How Democracies Die, dont les auteurs disent aujourd’hui qu’il était trop optimiste…

Enfin, pour les adeptes de Twitter, j’avais fait un fil ici avec des liens à l’actualité, en particulier l’attentat contre Pelosi, et quelques éléments supplémentaires de contexte.

Je signale enfin ce projet sur les menaces et la violence politiques (spécifiquement contre les élus) mis en place par l’université Princeton, dont j’ai appris l’existence il y a quelques jours, après avoir bouclé l’article.