Tel un invité impoli, Joe Biden est donc arrivé à Glasgow les mains vides. Le Président américain espérait rétablir la crédibilité américaine sur le climat à l’occasion de la COP26, et avait même retardé son départ de Washington pour d’ultimes tractations avec les deux camps du parti démocrate, expliquant que l’avenir de sa présidence et du parti étaient en jeu. Il a ainsi évoqué le reste du monde « qui se demande si notre gouvernement est capable de fonctionner« , allant même jusqu’à insister : « ceci n’est pas une blague« . Pourtant, non sans une impression de déjà-vu, cette diplomatie présidentielle intensive n’a pas su venir à bout des divisions démocrates à temps pour la COP26.

Le camp démocrate espérait en effet un heureux dénouement des négociations autour de l’adoption simultanée des deux projets-phares du programme de Joe Biden, la loi sur les infrastructures (déjà votée de manière bipartisane au Sénat) et la loi budgétaire Build Back Better, qui comprend le volet climat. Le projet BBB a pourtant été largement édulcoré, puisque son montant a été divisé par deux (en perdant notamment beaucoup de son volet social et familial). Il conserve tout de même un chèque de 555 milliards de dollars consacré à la lutte contre le changement climatique, et constituerait à ce titre le projet d’investissement « vert » le plus ambitieux jamais adopté par les États-Unis. Dans une optique de promotion des énergies les moins carbonées, cette somme s’articule en un ensemble de subventions et de crédits d’impôts en direction du secteur privé et des consommateurs. Il s’agit ainsi d’un choix très américain, qui répond par ailleurs aux exigences du sénateur de Virginie-Occidentale Joe Manchin, qui refusait catégoriquement de pénaliser financièrement l’utilisation des énergies fossiles.
S’il est voté, le plan n’en demeurera pas moins imparfait. En particulier, un des volets du BBB propose des investissements massifs dans de nouvelles technologies, comme l’hydrogène, ou la séquestration du carbone dont l’efficacité demeure aujourd’hui limitée, plutôt que dans les énergies renouvelables les mieux connues. Autre limite, une section du projet de loi sacrifie la tenue d’évaluations environnementales pour les oléoducs et gazoducs construits sur des domaines fédéraux. Surtout, l’abandon du Clean Electricity Performance Program (CEPP), résultat de la farouche opposition du sénateur Manchin, a largement réduit l’ambition du plan climat – et la possibilité pour les États-Unis de respecter les NDC soumises par le président en avril dernier.
Véritable colonne vertébrale du projet de loi dotée d’une enveloppe de 150 milliards de dollars, le CEPP avait été conçu comme l’instrument principal du financement de la transition du secteur électrique américain. Il devait en effet soutenir les fournisseurs d’électricité dont la part d’énergie propre dans le mix augmentait d’au moins 4 % par an, et pénaliser ceux qui ne respectaient pas cet objectif. Le programme aurait pu permettre de réduire de près de 80 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’énergie américain dans les dix années à venir. Néanmoins, le détricotage minutieux initié par les sénateurs démocrates Joe Manchin et Kyrsten Sinema aura eu raison de cet ambitieux volet du projet. La proposition alternative d’une taxation nationale du carbone, proposée par le Sénateur Ron Wyden, a quant à elle fait long feu.
Aussi, alors que la lutte contre le changement climatique était au cœur du projet porté par Biden, l’étroitesse de la majorité démocrate au Congrès a entraîné une diminution conséquente de l’ambition climatique de l’administration. Reste que, si elle était votée, la loi BBB pourrait permettre une réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre américaines à l’horizon 2030 comparé à 2005, ce qui constituerait un signal fort de la part des États-Unis sur la scène internationale.
L’action réglementaire, autre avenue d’ambition fédérale
Tous les espoirs ne reposent pas que sur la réussite du projet de loi infrastructure présenté par Joe Biden. L’imbroglio fédéral sur la question du changement climatique ces dernières semaines a poussé Michael Regan, administrateur de l’Agence de Protection Environnementale (EPA), à assurer qu’il promulguerait un agenda « très agressif » indépendamment de l’issue au Congrès. Les mesures devraient notamment cibler les fuites de méthane issues des puits de pétrole et de gaz, particulièrement importantes aux États-Unis en raison des règles et modes d’exploitation, et dont l’ampleur fut révélée par des images satellites l’année dernière. La méthode réglementaire avait déjà permis à l’administration de limiter la production et l’utilisation des hydrofluorocarbures, composants des climatisations et réfrigérateurs connus pour leur impact environnemental très nocif. De la même manière, Joe Biden avait signé un décret pour amener la part des véhicules électriques et hybrides parmi les nouveaux véhicules vendus à 50 % avant 2030.
Lire la suite sur le site de l’Institut Montaigne ici (article rédigé avec Marin Gillot)