La mission diplomatique la plus importante de Biden se déroule auprès de ses collègues démocrates
C’est désormais une tradition de fin d’année aux États-Unis : le rituel de crise auto-infligée par la polarisation politique américaine. Menace de fermeture du gouvernement faute de budget, menace de défaut sur la dette faute de relèvement du plafond, règlement provisoire occupant un temps précieux au Congrès ne faisant que repousser la crise, l’ensemble portant atteinte de manière récurrente à la gouvernabilité et la compétence des États-Unis.

Il est dès lors utile d’apporter quelques éléments d’explication pour comprendre pourquoi l’effort diplomatique le plus intense du président Biden ces dernières semaines a concerné non pas la France à la suite de l’affaire des sous-marins, non pas l’ONU malgré l’insistance sur la diplomatie et le multilatéralisme, mais bien ses collègues démocrates. Signe clair des priorités mais aussi des enjeux pour la présidence Biden.
Le destin de la présidence Biden se joue au Congrès
C’est d’abord le destin du « New Deal » de Biden qui se joue au Congrès dans les prochaines semaines. Pour des raisons tenant à l’étroitesse des marges démocrates au Congrès (3 voix à la Chambre, 0 au Sénat), le plan se décline en deux projets de loi, l’un sur les infrastructures (avec le soutien de sénateurs républicains), l’autre sous forme de loi budgétaire, mais qui comprend en réalité la plus grande ambition de transformation de la société depuis des décennies, que ce soit sur le climat, l’éducation, la santé, la petite enfance, ou encore la protection sociale (votée sous forme de budget pour contourner l’obstacledu filibuster au Sénat, qui exige une majorité à 60 voix pour soumettre un projet au vote).
Dans l’histoire américaine, et de plus en plus ces dernières décennies, l’héritage d’une présidence se joue lors de la première année.
Mais en cet automne 2021, c’est bien davantage qui est en jeu : unité du parti démocrate, crédibilité américaine sur le climat, capacité à faire face à la Chine, mais aussi contrôle du Congrès dès 2022 et avec 2024 en ligne de mire (les midterms ou élections de mi-mandat au Congrès ont lieu dans un an, les primaires ont commencé, ainsi que l’élection de deux-tiers des gouverneurs), avenir de la démocratie américaine étant donné les efforts républicains pour réduire l’accès au vote et remettre en question les résultats, enfin stabilité financière américaine et mondiale en cas de défaut américain sur la dette.
La dynamique entre le Président et le Congrès est un classique de l’histoire politique américaine liée à la « séparation et équilibre des pouvoirs ».
Biden lui-même a expliqué à de nombreuses reprises que son ambition est de « gagner le combat de ce siècle entre démocraties et régimes autoritaires« , en démontrant que « la démocratie fonctionne » et que les gouvernements démocratiques produisent des résultats pour leurs citoyens. On voit bien que ce défi concerne au premier chef les États-Unis : il se joue au Congrès, et en particulier au sein du parti démocrate.
La dynamique entre le Président et le Congrès est un classique de l’histoire politique américaine liée à la « séparation et équilibre des pouvoirs » issue de la Constitution et qui a pris un tour de plus en plus dramatique avec l’aggravation de la polarisation politique. On retrouve au centre de ce psychodrame récurrent le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, avec une différence majeure aujourd’hui : l’absence d’exigence politique concrète hormis l’abandon pur et simple du programme démocrate. Le seul but est de semer le chaos en maintenant le blocage, une logique que l’on trouve aussi dans l’obstructionnisme de sénateurs comme Ted Cruz ou Josh Hawley sur la politique étrangère.
Quel que soit le contexte, le meilleur atout pour un président face au Congrès est sa popularité : or celle de Biden a amorcé cet été une tendance à la baisse, même si plusieurs aspects-clés de son projet restent populaires, très majoritairement chez les démocrates (93 %) et les indépendants (61 %), et à 39 % chez les républicains.