Nouvelle pause dans ma série sur l’Afrique pour évoquer cette fois le rôle du Congrès américain en politique étrangère, après la publication par la revue Critique Internationale de mon article sur ce sujet. Je poursuis en effet en parallèle mes travaux sur le processus de décision en politique étrangère aux Etats-Unis et en particulier sur l’influence du Congrès.

Congress mallette

Dans cet article, je montre en particulier la nécessité de prendre en compte « l’univers informel » (les acteurs non institutionnels, en particulier les lobbyistes, mais aussi les ONG, les entreprises de relations publiques, les journalistes influents…) pour comprendre la prise de décision américaine. J’y reviendrai d’ailleurs prochainement au sujet de la politique américaine vis-à-vis du Congo-RDC.

Plus précisément, je présente (dans un cas particulier) l’importance des interactions entre cet univers informel et le cadre formel (contitutionnel) de la prise de décision, et la nécessité à Washington de former des coalitions trans-institutionnelles (unissant des acteurs de l’exécutif et du législatif en l’occurrence) pour qu’une politique nécessitant des fonds, donc le soutien du Congrès, soit mise en œuvre.

Je montre également l’importance de combiner des stratégies directes et indirectes pour mobiliser le plus grand nombre d’acteurs dans le plus grand nombre d’institutions.

Enfin, je propose une théorisation (il s’agit d’une publication universitaire) illustrant l’importance du savoir-faire politique et démontrant que les acteurs maîtrisant les interactions entre cadre formel et univers informel (notamment via le rôle-clé des auditions parlementaires, l’une des portes d’entrée du lobbying) ont davantage de chance de peser de manière décisive sur le processus de décision et donc le résultat final.

Plus simplement : à quelques exceptions près, pour qu’une politique soit mise en œuvre aux Etats-Unis, il faut qu’elle soit soutenue par des acteurs dans les deux branches du pouvoir, exécutif et législatif, en raison du système d’équilibre des pouvoirs (checks and balances) établi par la Constitution américaine. En cas de division du pouvoir (Congrès républicain et président démocrate, par exemple), le savoir-faire politique présidentiel joue un rôle déterminant, de même que l’intégration de la société civile (ONG, médias, opinion, lobbying et relations publiques) dans la stratégie politique.

KStreet DC

Il s’agit aussi, à rebours des analyses dominantes (voir la revue de la littérature universitaire existante que je fais dans l’article de Critique Internationale), de montrer d’une part que le Congrès conserve une influence déterminante, malgré la paralysie apparente du système liée à l’ultra-polarisation actuelle ; et d’autre part de démontrer que cette influence peut être positive, et que l’opposition avec l’exécutif, y compris quand Congrès et Maison Blanche sont de bords opposés, n’est pas aussi totale qu’on peut le croire.

En effet, il peut y avoir une répartition des rôles (« good cop bad cop ») dans le cas de certaines coalitions trans-institutionnelles, le cas typique étant les politiques de sanctions. Or cette répartition des rôles se fait le plus souvent en coulisses et reste largement ignorée des médias généralistes.

Pour mémoire, je rappelle que j’avais publié pour l’IRSEM une monographie sur Le Congrès, acteur essentiel de la politique étrangère et de défense des Etats-Unis. Par ailleurs, j’ai publié sur ce blog un article sur « Le Congrès pour cible » qui montre plus précisément la manière dont certaines agences de relations publiques employées par des gouvernements ou des acteurs étrangers pèsent via le Congrès sur le jeu politique américain. Enfin, j’avais publié il y a quelques années un article (« Une diplomatie des diasporas » dans la revue Relations Internationales sur l’influence des diasporas (de l’ex-Yougoslavie en l’occurrence) sur la politique américaine vis-à-vis de la Bosnie et des Balkans dans les années 1990. Et pour ceux que cela intéresse, voici un entretien où j’explique comment j’avais travaillé sur ce cas précis.

(NB : Ne pas hésiter à me contacter pour obtenir les PDF des articles universitaires)