Cet article fait suite au post précédent sur la stratégie américaine en Afrique. (voir aussi cet article plus récent sur le blog : « Stratégie américaine en Afrique : risques et contradictions du light footprint »)

La stratégie américaine en Afrique privilégie (dans les textes) une approche intégrée, dans laquelle l’assistance militaire s’accompagne d’un soutien aux institutions démocratiques, à la société civile, au développement et à la croissance économique.

map_main

Lors de la création d’AFRICOM, beaucoup en Afrique craignaient que le nouveau commandement ne conduise à une militarisation de la politique africaine des États-Unis. C’est sans doute cette crainte, largement relayée à l’époque, qui explique la volonté affichée en 2007 de faire d’AFRICOM un commandement d’un nouveau type, symbole du smart power mêlant hard et soft power. L’idée était de favoriser une « approche globale » (terme préféré par les Européens, mais dont les similitudes sont nombreuses avec le concept de smart power américain) intégrant contraintes militaires (drones et raids des forces spéciales, Yémen, Somalie) et économiques (aides financières sous certaines conditions aux pays impliqués dans la lutte contre-terroriste), et inspiration par l’exemple (formation des militaires locaux via le programme IMET, entraînement avec les forces spéciales américaines).

Que reste-t-il de cette ambition cinq ans après la naissance d’AFRICOM ?

En réalité, cette vision était surtout portée par le général William « Kit » Ward, premier commandant, et de son adjointe et numéro 2 d’AFRICOM, l’ambassadrice Mary Carlin Yates. Elle ne leur aura guère survécu. Il faut dire que le successeur de Ward, le général Carter Ham a eu dès son entrée en fonction à mener une guerre : l’intervention en Libye, ce qui a forcé la transformation d’AFRICOM en commandement militaire opérationnel, par nécessité.

Par ailleurs, Ward a dû faire face d’emblée à plusieurs difficultés, en particulier en termes de personnels : alors qu’il devait y avoir de nombreux civils, il a été difficile de trouver des candidats : sur 1300 personnes au début d’AFRICOM, seuls 3% n’appartenaient pas au Pentagone. Là encore, il a fallu avoir recours aux sociétés militaires privées, donc le plus souvent à d’anciens militaires. La difficulté est liée à des questions de gestion de carrière au département d’État, où, contrairement au Pentagone, l’affectation à AFRICOM n’était pas valorisée.

Rodriguez et al Camp LEMONNIERAujourd’hui, l’enjeu principal pour AFRICOM est de développer ses procédures opérationnelles et d’obtenir davantage de ressources, un processus en cours. En effet, l’évaluation de la menace en Afrique est en hausse, surtout côté militaire et renseignement et AFRICOM devrait disposer de ressources croissantes, notamment du côté des forces spéciales, où les moyens doivent augmenter et dont une grande partie sera utilisée pour l’Afrique.

Le département de la Défense est en train de développer le concept de brigades régionales pour l’Afrique, brigades par services qui seront déployées par rotation (regionally-aligned units) sur le continent africain avec Camp Lemonnier à Djibouti dans le rôle de hub central du contre-terrorisme américain en Afrique.

Actuellement, de nombreux accords SOFA (Status of Force Agreement) sont en cours de négociation en Afrique pour garantir la protection juridique des soldats américains. Dans les termes du général Ham, il s’agit de « trouver des manières nouvelles et innovantes pour faire face aux nombreux défis en Afrique ».

Enfin, un commandement pour les interventions d’urgence a été créé en octobre 2012, suite à l’attentat contre le consulat américain de Benghazi en Libye : ce Commander’s In-Extremis Force (CIF) pour AFRICOM disposera de trois brigades établies dans trois lieux stratégiques pour une intervention d’urgence : Djibouti, Moron en Espagne, et un troisième en Afrique de l’Ouest encore indéterminé (ou non communiqué).

Pour des références sur ce post et le précédent, voir cette note sur les Etats-Unis, l’Afrique et la guerre au Mali, rédigée en février 2013. D’autres publications à venir sur ce sujet.