Le département d’Etat est le plus ancien des ministères du gouvernement américain, et fut longtemps le plus prestigieux, ouvrant même à l’époque des Pères fondateurs la voie la plus sûre vers la présidence du pays. Ce temps est largement révolu : déjà la fin de la Seconde Guerre mondiale avait constitué une première rupture, avec l’ascension de nouveaux acteurs, en particulier le Conseil de sécurité nationale au sein de la Maison Blanche. La fin de la guerre froide, qui aurait pu consacrer un retour du département d’Etat au cœur de la politique étrangère, a plutôt conduit à accélérer ce qu’il faut bien qualifier aujourd’hui de déclin du département d’Etat comme acteur central de l’action extérieure des Etats-Unis.

DoS

Les quelques lignes ci-dessus sont extraites de l’introduction de ma contribution à Diplomaties étrangères en mutation, sous la direction de Maurice Vaïsse, Paris: Pedone, 2019.

Vous pouvez télécharger ici la présentation de l’éditeur Pedone, qui inclut la préface de M. Vaïsse, ainsi que la table des matières et la présentation des auteurs.

Vous pouvez également réécouter ici l’émission Géopolitique de RFI consacrée au livre, à laquelle j’ai eu le plaisir de participer aux côtés de Maurice Vaïsse et Alice Ekman (auteur du chapitre sur la diplomatie chinoise).

Dirigé par l’historien Maurice Vaïsse, éminent spécialiste des relations internationales et de la diplomatie française en particulier, ce livre présente les ministères des Affaires étrangères de dix puissances contemporaines et leur évolution récente. Je suis très heureuse d’y avoir contribué par le chapitre sur les Etats-Unis.

« D’un côté, des diplomaties occidentales affectées par des coupes budgétaires et un déclin des diplomates dans l’appareil d’Etat, de l’autre, des diplomaties des Etats émergents, pour lesquels elles sont un instrument de puissance. » 

Allemagne, Royaume-Uni, Russie, Italie, Turquie, Etats-Unis, Canada, Brésil, Chine, Japon : tels sont les pays dont les pratiques et acteurs diplomatiques sont présentés dans ce livre, analyses qui se penchent sur leur évolution depuis la fin de la guerre froide, ou un peu avant dans certains cas. Un livre passionnant et qui devrait être précieux pour un public large et varié.

Je présente à la suite le plan et la conclusion de mon chapitre sur le département d’Etat, ainsi qu’une courte bibliographie.

« La Constitution des Etats-Unis est une invitation à la lutte pour le privilège de conduire la politique étrangère américaine[1] ». Edward S. Corwin

  1. Cadre constitutionnel, historique et structurel de la politique étrangère américaine

Cadre constitutionnel

Cadre historique : la politique étrangère américaine post-1945

Mandat et structure du département d’Etat

  1. La fin de la guerre froide et la crise du département d’Etat

Une offensive républicaine contre la diplomatie (1994: la victoire du Contrat avec l’Amérique de Newt Gingrich)

Concurrence des acteurs et déclin du département d’Etat : l’ascension du NSC

Militarisation de la politique étrangère

La période contemporaine semble ainsi concentrer et accentuer tous les traits qui ont contribué à  affaiblir de manière continue l’influence du département d’Etat sur les trois dernières décennies : concentration continue des pouvoirs entre les mains du président et à la Maison Blanche, au profit du NSC ; offensive républicaine contre le multilatéralisme, les traités internationaux et la diplomatie en général ; militarisation de la politique étrangère, symbolisée par le budget et le poids croissants du Pentagone, qui intervient de plus en plus dans la conception des politiques, bien au-delà de ses prérogatives sur le papier ; polarisation partisane ayant gagné les affaires internationales, au détriment d’un poids du Congrès dans la politique étrangère ; multiplicité et concurrence des acteurs de la diplomatie, qui affaiblit la voix du département.

L’expression contemporaine de cet affaiblissement est la multiplication des sommets décidés par le seul président Donald Trump, qui revendique une non-préparation des dossiers au profit d’une diplomatie interpersonnelle dont lui seul entend maîtriser les codes et contenus, ce dont le sommet d’Helsinki avec son homologue russe Vladimir Poutine en juillet 2018 a constitué un symbole, avec une rencontre de deux heures entre les deux présidents sans autres témoins que les interprètes, au mépris de toutes les traditions diplomatiques.

Les principaux défenseurs d’un département d’Etat en crise profonde se trouvent aujourd’hui au Congrès et au Pentagone, les deux responsables de son déclin dans la période récente, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.

BIBLIOGRAPHIE:

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David P. Auerswald, Colton C. Campbell (dir.), Congress and the Politics of National Security, New York, Cambridge University Press, 2012.

Rosa Brooks, How Everything Became War and The Military Became Everything, New York: Simon & Schuster, 2016.

Charles-Philippe David (dir), La politique étrangère des Etats-Unis : Fondements, acteurs, formulation, 3e éd., Paris : Presses de Sciences Po, 2015.

Charles-Philippe David, Au sein de la Maison Blanche : de Truman à Obama, la formulation ‘imprévisible) de la politique étrangère des Etats-Unis, Paris : Presses de Sciences Po, 2015.

Richard Gartner, “The One Percent Solution”, Foreign Affairs, July/August 2000.

Maya Kandel, Les Etats-Unis et le monde, de George Washington à Donald Trump, Paris : Perrin, 2018.

Nicholas Kralev, The U.S. Foreign Service and America’s 21st Century Diplomacy, Independent Publisher, 2012.

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Pierre Melandri, Le siècle américain : une histoire, Paris : Perrin, 2016.

Walter Russell Mead, Special Providence. American Foreign Policy and How it Changed the World, New York: Routledge, 2002.

Stephen Sestanovich, Maximalist: America in the World from Truman to Obama, New York: Alfred A. Knopf, 2014.

Eugene R. Wittkopf, James M. McCormick (dir), The Domestic Sources of American Foreign Policy. Insights and Evidence, Boston: Rowman & Littlefield, 1999.

Julian Zelizer, Arsenal of Democracy: The Politics of National Security. From World War II to the War on Terrorism, New York: Basic Books, 2010.

Note:

[1] “The U.S. Constitution is an invitation to struggle for the privilege of directing American Foreign Policy.” Edward S. Corwin, The President : Office and Powers, 1787-1957, New York : New York University Press, 1957 (4e édition), p. 171.