L’IRSEM vient de mettre en ligne l’étude « Les Etats-Unis et la fin de la grande stratégie: un bilan de la politique étrangère de Barack Obama », co-dirigée par Maud Quessard et moi-même, à partir du colloque que nous avions organisé l’année dernière sur ce thème. L’étude complète peut être téléchargée ici. Sommaire reproduit en bas de page.

J’y signe un article intitulé: Retenue stratégique et light footprint: un bilan d’Obama en chef de guerre, dont je reproduis ici l’introduction (l’article complet peut être téléchargé via le lien ci-dessus).

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Discours d’Obama, ici avec le Général Raymond Thomas, Commandant des forces spéciales et le Général Joseph Votel, Commandant de CENTCOM sur la base de MacDill à Tampa, Floride (décembre 2016)

 

La doctrine Obama en matière de défense et d’emploi de la force découle de la vision du monde du président démocrate, de son analyse du système international et de son ambition de mener une présidence transformatrice sur le plan intérieur. Cette forte personnalisation de l’analyse est importante s’agissant d’un président très impliqué dans la prise de décision, et dont on a dit qu’il fut son principal conseiller de politique étrangère. Mais la doctrine Obama résulte également de contraintes intérieures fortes, que l’on peut regrouper en trois catégories : contrainte d’une opinion fatiguée de l’aventurisme extérieur de Bush ; contrainte politique partisane intérieure, en raison de l’intransigeance de l’opposition républicaine, redoublée à partir de la victoire républicaine à la Chambre des représentants aux élections de mi-mandat 2010 ; et contrainte économique liée à la crise économique de 2007-2008 et à la pression républicaine à partir de janvier 2011 sur le budget et la dette extérieure.

Barack Obama a impulsé un changement à la fois dans le choix des engagements militaires américains, et dans les modalités d’intervention. Le premier aspect a été explicité très clairement par le président lui-même à plusieurs reprises et peut être résumé par la formule utilisée dans l’article du journaliste Jeffrey Goldberg sur « la doctrine Obama » par la volonté d’aller contre le consensus dominant à Washington, ce qu’Obama nomme le « Washington Playbook », défini à la fois comme le recours quasi-systématique à une solution militaire face à toute crise, et l’emploi de « frappes punitives » à visée symbolique plus que stratégique[1]. Le second aspect a été précisé dans la directive stratégique de défense de 2012, document essentiel qui introduit et décrit la notion d’empreinte légère, tout en développant également l’idée de transfert du fardeau sécuritaire par la responsabilisation des acteurs locaux[2]. L’ensemble correspond à une évolution de la politique de défense américaine par rapport à ses prédécesseurs,  nouvel interventionnisme américain, dont la première partie de l’article présentera les principales modalités ; il se décline de deux manières distinctes, suivant que les intérêts américains sont directement en jeu ou non : l’action directe (deuxième partie), et la stratégie indirecte (troisième partie)[3].

Le bilan des engagements militaires sous Obama doit être évalué à l’aune des principaux objectifs poursuivis par son administration. Ces objectifs répondaient à la fois à l’analyse stratégique faite par la Maison Blanche de l’évolution du système international et du déclin relatif de la place des Etats-Unis, et aux contraintes intérieures évoquées ci-dessus : contrainte d’une opinion publique et d’un personnel politique à l’enthousiasme déclinant vis-à-vis de l’interventionnisme extérieur du pays, et contrainte financière. Se posent enfin la question de la pérennité de l’empreinte légère au-delà de la présidence Obama, et la question de son efficacité dans ce qui demeure la priorité d’emploi des forces armées américaines aujourd’hui, la lutte contre le terrorisme.

L’article se décline en 3 parties:

     1. L’empreinte légère, doctrine Obama en matière de défense

  • Vision du monde et contraintes intérieures
  • La directive stratégique de défense de 2012
  • Outils et modalités de l’empreinte légère

    2. L’action directe contre le terrorisme sous Obama

  • Le modèle Obama de lutte contre le terrorisme
  • Le tournant de 2014: irruption de l’EI et retour en Irak

    3. La stratégie indirecte

  • Une approche ancienne pour les Etats-Unis
  • Limites et contradictions de la formation des armées partenaires

 

Notes:

[1] Jeffrey Goldberg, “The Obama Doctrine”, The Atlantic, April 2016. Micah Zenko, Between Threats and Wars : U.S. Discrete Military Operations in the Post Cold-War World, Stanford Security Studies, 2012.

[2] Department of Defense, Defense Strategic Guidance, Sustaining U.S. Global Leadership: Defense Priorities for the 21st Century, January 2012.

[3] Le 5 décembre 2016, l’administration Obama a rendu public un rapport sur le cadre légal et politique de l’utilisation par les Etats-Unis de la force militaire : Report on the Legal and Policy Frameworks Guiding the United States’ Use of Military Force and Related National Security Operations, The White House, December 2016. Voir aussi le communiqué de presse de la Maison Blanche : “FACT SHEET: Presidential Memorandum – “Legal and Policy Transparency Concerning United States’ Use of Military Force and Related National Security Operations” and Accompanying Report on Transparency in Legal and Policy Frameworks”, December 5, 2016.

 

SOMMAIRE COMPLET DE L’ETUDE

1.1 Définir la grande stratégie et le devenir de la puissance américaine dans l’ordre international

  • Pierre Melandri (PR émérite, Sciences Po Paris), « De l’existence d’une doctrine Obama ? »
  • Frédéric Heurtebize (MCF Université Nanterre), ““New American Century” vs. Decline: Competing Visions of America’s Global Future”
  • William Keylor (PR, Boston University), “Leading from Behind When No One is in Front: Eight Years of Frustration with the “International Community’s” Failure to Bear the Burden of Preserving World Order »

1.2.  Alliance transatlantique et  ré-équilibrage vers l’Asie

  • David Haglund (PR, Queen’s University), ““Pivoting from the ‘Pivot’ (to Asia)? The Next Administration and US-European Strategic Relations””
  • Célia Belin (Brookings Institution), « L’évolution des relations transatlantiques sous Obama : de la prise de distance volontaire au réengagement forcé »

 1.3. Alliances militaires et enjeux sécuritaires: la grande stratégie américaine à l’épreuve du djihadisme

  • Maya Kandel (CREW, Université Paris 3), « Retenue stratégique et light footprint : un bilan d’Obama en chef de guerre »
  • Christopher Griffin (CREW, Université Paris 3), « Obama’s Nigerian Strategy »
  • Corentin Brustlein (IFRI), « Politique nucléaire d’Obama : de l’ambition à l’équilibre »

2.1. Soft power, diplomatie publique et diplomatie économique au service de la grande stratégie

  • Nicholas Cull (PR, University of Southern California), « A New Beginning ? The Obama adminsitration and public diplomacy »
  • Marie Gayte (MCF, Université Toulon) et du Var, « La dimension religieuse et la lutte contre le terrorisme dans la diplomatie publique de l’administration Obama »
  • Jean-Baptiste Velut (MCF, Université Paris 3), « The logic and contradictions of the US Grand Trade Strategy »

2.2. L’héritage de la doctrine Obama et les alternatives partisanes pour la politique étrangère américaine : le point de vue républicain

  • Gary Schmitt (American Enterprise Institute), “Will the ‘Obama Doctrine’ Outlast the Obama Presidency?”
  • Colin Dueck (PR, George Mason University), “Republican Party Foreign Policy: 2016 and Beyond”