15 ans après le 11 septembre, où en est la lutte contre le terrorisme? Alors que le dernier mandat du président Obama s’achève dans quelques mois, voici ce qu’on peut dire de son bilan, et de l’évolution de l’action américaine de Bush à Obama.

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Quel bilan pour la lutte contre le terrorisme sous Obama ?

Du point de vue de Washington, on est loin des 180 000 soldats américains déployés en Irak et Afghanistan en 2009 lors de la prise de fonction du président Barack Obama. Mais aujourd’hui les États-Unis sont impliqués militairement dans davantage de pays qu’en 2009. Ben Laden est mort mais Al-Qaïda n’a pas disparu et le groupe Etat Islamique, membre dissident devenu compétiteur, même s’il perd du territoire, semble aujourd’hui toujours aussi capable d’étendre sa capacité d’attraction et de profiter de crises locales pour poursuivre son entreprise de déstabilisation mondiale. Le président démocrate n’a pas mis fin aux guerres mais installé l’Amérique dans une ère de guerre permanente, avec des outils tels que les drones armés ou l’emploi des forces spéciales, et avec le recours croissant aux sociétés militaires privées.

Le volet militaire demeure dominant dans la stratégie américaine contre le terrorisme. Obama a redéfini les modalités du recours au hard power, avec le passage progressif des déploiements massifs caractéristiques des années 2000 à une empreinte militaire plus légère, et la généralisation des assassinats de « cibles de grande valeur » ou assassinats ciblés. En bref, les Etats-Unis sont passés de la contre-insurrection au contre-terrorisme. L’avènement des printemps arabes a constitué une rupture, et le choix de la non-intervention en Syrie va peser lourdement sur le bilan du président en politique étrangère. Plus largement, ces crises ont montré toute la difficulté pour les États-Unis de se détourner du Moyen-Orient pour pivoter vers l’Asie. L’année 2014 constitue un tournant pour Obama avec l’irruption de l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie, qui marque le début d’un réinvestissement américain en Irak. Depuis 2014, on ne peut que constater l’augmentation continue de la présence de soldats américains sur le terrain, estimée aujourd’hui à 4 500 hommes environ. Les Américains assurent toujours l’écrasante majorité des frappes, à plus de 80 %. Le retrait d’Afghanistan est également ralenti, par peur d’un scénario identique.

La lutte par procuration, qui repose sur l’assistance militaire américaine et le recours aux forces armées des pays les plus immédiatement concernés, est au cœur de la stratégie de contre-terrorisme de Barack Obama. Or cette focalisation sur des partenariats sécuritaires a des conséquences négatives, en particulier lorsque l’aide américaine est instrumentalisée par des gouvernements visant d’autres objectifs. Surtout, son efficacité est remise en question par les développements des deux dernières années en Irak et Afghanistan, mais aussi en Somalie et ailleurs sur le continent africain, dernier front de la lutte contre le terrorisme. Elle pose également des dilemmes stratégiques, lorsque des alliés locaux des Etats-Unis sont ennemis sur le terrain, comme on l’a observé récemment en Syrie entre forces kurdes et turques.

Enfin, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme sur le long terme, l’agenda de promotion de la démocratie par le changement de régime, y compris par la force, porté par l’administration Bush, a été remplacé par une lutte contre les causes du terrorisme et contre l’idéologie. Ce recours au soft power, centré sur le message et la contre-propagande et appuyé sur la diplomatie publique, repose sur une analyse du phénomène terroriste et en particulier de la radicalisation vers « l’extrémisme violent » qui constitue sans doute la rupture majeure introduite par Obama. Là où Bush et son entourage avaient une lecture culturaliste, inspirée par la vision de Samuel Huntington du « choc des civilisations », son successeur insiste sur la lutte contre les causes du terrorisme sur le plan économico-social, et la lutte sur le plan des idées.

A cet égard, ce qui devait constituer la priorité du président Obama restera peut-être son plus grand échec : la lutte sur le plan idéologique et la prévention de la radicalisation. C’est encore et toujours la bataille pour les cœurs et les esprits, mais les efforts successifs de réorganisation des diverses agences du département d’Etat chargées de l’effort ressemblent davantage à un aveu d’échec. Restent de nouvelles pistes et en particulier plusieurs axées sur ce qui reste la voie de prédilection des Etats-Unis, notamment en matière militaire : l’appui sur la supériorité technologique. En témoignent les dernières recherches de la DARPA, l’agence de recherche et développement du Pentagone, en collaboration avec le MIT et la Silicon Valley.

Obama n’a cessé de lutter pour ne pas faire du terrorisme la seule et unique priorité de sa politique étrangère, ne le considérant pas comme une menace existentielle. Pourtant il a reconnu récemment que la constance de la menace, même de faible intensité, pouvait « faire de réels dégâts, affaiblir nos sociétés, et créer le type de peur qui provoque divisions et sur-réactions politiques ». La possibilité même que Donald Trump lui succède en est une illustration exemplaire.

 

Sur le même sujet:

Lire l’étude que j’ai réalisé pour l’IFRI: Obama face au terrorisme: Chronique d’un échec? Potomac Paper n°28, septembre 2016

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Voir la vidéo: Trois questions sur le bilan d’Obama en matière de contre-terrorisme

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Lire l’article de Daniel Vernet dans Slate.fr, inspirée de l’étude: « Un Prix Nobel de la paix laisse les Etats-Unis en état de guerre permanente »

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