La nouvelle stratégie de sécurité nationale des États-Unis, publiée le 5 décembre, entérine la rupture Trump de la politique étrangère américaine. Les Etats-Unis tournent le dos à huit décennies de politique étrangère, abandonnant leur rôle de garant de l’ordre international qu’ils avaient construit et soutenu depuis 1945. J’en fais l’analyse dans ma dernière chronique Mediapart.

La stratégie de l’administration Trump II réactive la « doctrine Monroe » pour réaffirmer sa tutelle sur l’Amérique latine, et pour proclamer un droit d’ingérence américaine dans les affaires européennes. Le document est aussi un manifeste politique qui place les guerres culturelles au coeur de la stratégie. C’est sans doute la rupture la plus frappante.

Comme à chaque période de divisions intérieures sur leur rôle international, la stratégie marque un repli sur « l’arrière-cour » latino-américaine. Comme à chaque tournant de la politique étrangère du pays, le changement majeur concerne la nature de la relation transatlantique.

© Illustration Simon Toupet / Mediapart avec AFP

Le secrétaire d’État Marco Rubio l’avait affirmé lors de son audition de confirmation en janvier 2025: « L’ordre international de l’après-guerre n’est pas seulement obsolète, c’est aujourd’hui une arme qui est utilisée contre nous ». Le document reflète cette conviction, qui rompt donc avec plusieurs décennies à soutenir le contraire, tout en introduisant également une rupture avec la première administration Trump entre 2016 et 2020.

Une redéfinition des intérêts de Washington

En effet, la notion de « compétition stratégique » avec la Russie et la Chine disparaît, remplacée par une vision qui se réclame du réalisme et des sphères d’influence. Ce tournant définit une nouvelle vision du monde, fondée sur une quasi-connivence, ou en tout cas une convergence de fait avec Moscou, dont on retrouve les éléments de langage sur l’Otan, ainsi qu’avec Pékin, qui n’est plus un adversaire mais  « seulement » un compétiteur avec lequel il est possible de définir une relation mutuellement bénéfique – sauf en Amérique latine.

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Je reviens également dans l’article sur la « doctrine » Monroe, son évolution et utilisation au cours de l’histoire des Etats-Unis.

Extrait:

Doctrine Monroe : la signification d’une renaissance

L’insistance mise sur la doctrine Monroe, mentionnée quatre fois dans le document, n’est pas un hasard. Celle-ci est périodiquement convoquée aux États-Unis à chaque fois que le pays débat de son rôle dans le monde. Sa révision actuelle, avec son fameux « corollaire Trump », en dit beaucoup sur le tournant imprimé à la politique étrangère du pays par son 47e président.

Ce qui allait devenir la doctrine Monroe n’est au départ qu’un court passage du message annuel du président au Congrès mandaté par la Constitution – message que l’on connaît aujourd’hui sous l’intitulé de « discours sur l’état de l’Union ». Alors que les parlementaires étaient divisés sur l’attitude à adopter vis-à-vis des révolutions latino-américaines en cours contre le pouvoir colonial espagnol, James Monroe a cherché à calmer les débats entre pro- et anti-intervention à l’aide de deux principes: « l’Amérique aux Américains » et leur « neutralité » vis-à-vis des puissances européennes.

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