Alors que la fin de la présidence Obama approche, quelques mots sur le colloque international organisé les 13 et 14 octobre prochains à l’Université de Poitiers par Maud Quessard-Salvaing de l’Université de Poitiers et moi-même sur « Le bilan de la politique étrangère d’Obama: Les Etats-Unis et la fin de la grande stratégie? » (ouvrage tiré des travaux du colloque publié en 2017).

Sur le bilan d’Obama en politique étrangère, voir aussi ce post d’octobre 2015.

Ci-dessous le programme (ou ici et la présentation par l’Université de Poitiers), ainsi que  l’argumentaire scientifique.

President Barack Obama arrives at Sather Air Base

Jeudi 13 octobre

Salle des conférences MSHS Université de Poitiers

9h30 Accueil des participants Café

10h00 Ouverture du colloque : Discours d’ouverture, Welcome Address and Opening Remarks


10h15-12h00 Séance plénière d’ouverture. Table ronde autour de l’ouvrage de Colin Dueck. Defining & discussing Grand Strategy under Obama and beyond.

Modérateur/Chair : William Keylor, Pr. (Boston University)

  • Colin Dueck, Pr. (George Mason Universtity) : Présentation de l’ouvrage “The Obama Doctrine: American Grand Strategy Today » (Oxford University
  • Pierre Melandri, Pr. (Sciences Po Paris) : « De l’existence d’une doctrine Obama ? »
  • Gary Schmitt (American Enterprise Institute) : “Will the ‘Obama Doctrine’ Outlast the Obama Presidency ?« 
  • Frédéric Heurtebize, MCF (Université Paris Ouest Nanterre) : “New American Century” vs. Decline: competing visions of America’s global future« 

14h00-15h30 Hard power (1) : ordre international, leadership, et stratégies de la puissance

Modérateur/Chair : Jean-Vincent Holeindre, Pr. (Université de Poitiers)

  • Frédéric Mérand, Pr. (Université de Montréal) : “Coping with U.S. Decline”
  • William Keylor, Pr. (Boston University) : “Leading from Behind When No One is in Front: Eight Years of Frustration with the “International Community’s” Failure to Bear the Burden of Preserving World Order« 
  • Stéfanie von Hlatky, Assistant Pr. (Queen’s University, directrice du Centre for International and Defense Policy) : « From Nukes to Boots on the Ground : Why Allies Follow Obama »
  • Corentin Brustlein, Dr. (IFRI, Paris) : « Politique nucléaire d’Obama : de l’ambition à l’équilibre »

16h-18h Hard power (II) : alliances militaires et enjeux sécuritaires.

Modérateur: Pierre Melandri (IEP Paris)

  • Maya Kandel, Dr. (Université Paris III Sorbonne Nouvelle) : « Lutte contre le terrorisme : échec d’Obama ou impossibilité de la grande stratégie aujourd’hui ? »
  • Claire Nestier, (ex-attachée militaire à l’Ambassade de France à Washington) : « La coopération militaire franco-américaine sous Obama : l’enjeu africain »
  • Christopher Griffin, Dr. (Institut Catholique de Rennes) : « Obama’s Nigerian Strategy« 

 

Vendredi 14 octobre

9h30-10h30 Grand Strategy : Soft Power and Economic Policy

 Modérateur/ Chair : Célia Belin Dr (Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS), Ministère des Affaires Etrangères)

  • Jean-Baptiste Velut, MCF (Université Paris III Sorbonne Nouvelle) : “The logic and contradictions of the US Grand Trade Strategy« 
  • Monsieur Le Consul des Etats-Unis à Bordeaux, Dan Hall (Département d’Etat) : « Obama and the US Economic Agenda »

11h00-12h Grand Strategy: Soft Power and Public Diplomacy

Modérateur/Chair : Maud Quessard, MCF (Université de Poitiers)

  • Nicholas Cull, Pr (USC, University of Southern California) : « A New Beginning ? The Obama adminsitration and public diplomacy »
  • Marie Gayte, MCF (Université de Toulon et du Var) : « La dimension religieuse et la lutte contre le terrorisme dans la diplomatie publique de l’administration Obama »

 14h00-15h30 U.S Grand Strategy and the Transatlantic Alliance in the context of the Asian rebalance.

Modérateur/Chair: Stéfanie von Hlatky, Assistant Pr. (Queen’s University)

  • Célia Belin Dr (Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS), Ministère des Affaires Etrangères): « L’évolution des relations transatlantiques sous Obama : de la prise de distance volontaire au réengagement forcé »
  • David Haglund, Pr, (Queen’s University) : “Pivoting from the ‘Pivot’ (to Asia)? The Next Administration and US-European Strategic Relations”
  • John Seaman, expert, (IFRI, Paris) : Asia in the U.S. Grand Strategy: What future for the rebalance?”

 16h00-18h Table Ronde/ Wrap-up : quelle alternative partisane pour la politique étrangère américaine ? /US politics and Foreign policy agenda : 2016 and beyond ?

  • Colin Dueck, Pr. (George Mason Universtity) : “Republican Party Foreign Policy: 2016 and Beyond » 
  • Vincent Michelot, Pr. (IEP de Lyon) : « Domestic Constraints of U.S. Grand Strategy, what to expect in 2017 ? »
  • Laurence Nardon, Dr. (IFRI, Paris) : « Hillary Clinton et le leadership américain »

Discutants :

  • Nicholas Cull, Pr (USC, University of Southern California)
  • William Keylor, Pr. (Boston University)
  • Gary Schmitt (American Enterprise Institute)
  • David Haglund, Pr. (Queen’s University)

PRESENTATION

Le bilan de la politique étrangère d’Obama: la fin de la grande stratégie?

Proposer un premier bilan de la politique étrangère du président Obama nécessite de s’interroger sur la doctrine ou la stratégie du président Obama en politique étrangère, s’il en est. Cette interrogation récurrente au cours des deux mandats de la présidence Obama, correspond à un contexte international où l’on évalue de plus en plus difficilement la possibilité de mener une « grande stratégie » dans un monde contemporain caractérisé par une complexité croissante. Ce véritable « chaos stratégique » (Pierre Hassner), se caractérise par la multiplicité des crises et des niveaux de crises, des espaces de guerres et des recompositions majeures – du Moyen-­Orient à l’Asie, ainsi que par la multiplicité et l’ascension des acteurs non-­étatiques ou transnationaux (groupes terroristes, ONGs, lobbies, individu), des puissances émergentes, émergées (Chine) ou réémergentes (Russie). Or, le point commun de plusieurs de ces acteurs ascendants est de vouloir détruire ou remettre en question les fondements de l’architecture internationale, un ordre promu et soutenu par les Etats-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La présidence Obama marque-­t-­elle pour autant la fin de la grande stratégie en politique étrangère ?

Sans prétendre établir un bilan définitif de l’action internationale de l’administration Obama, ce colloque international et interdisciplinaire, aura pour but de proposer des clés d’interprétation notamment en réactions aux différentes lectures de la politique étrangère d’Obama formulées par experts et universitaires au cours de ces deux mandats. Il tentera ainsi de mettre en perspective l’héritage historique auquel Obama a semblé prétendre, au-­delà de la seule prophétie d’un retour pur et simple au réalisme en politique étrangère.

Renouveler le leadership américain, transformer profondément la stratégie internationale des Etats-Unis en faisant la promotion d’une puissance intelligente (smart power), telle a été l’ambition de départ de Barack Obama ; en voulant marquer la rupture, mettre fin aux guerres de Bush, le président Obama a aussi voulu rompre avec le tout-militaire caractéristique selon lui de la politique non seulement de son prédécesseur mais aussi dans une moindre mesure de Bill Clinton. Cette volonté de « renouveler le leadership américain » (renew American leadership), et de repenser les stratégies de la puissance à l’international, exprimée dans sa profession de foi de 2007 (Foreign Affairs), se traduit dès le début de son premier mandat par la notion de smart power, mis en exergue par sa secrétaire d’Etat Hillary Clinton. Rééquilibrer les outils de la politique étrangère et en particulier la diplomatie et la politique économique au service des intérêts stratégiques des Etats-Unis, telle a été l’ambition première du tandem Obama-­Clinton (Nossel, Nye).

C’est alors un leadership plus humble et discret (benign hegemon) que l’on retient dans un premier temps, en particulier dans les interventions militaires – le fameux « leadership from behind » mis en œuvre en Libye, un interventionnisme qui privilégie le recours au cadre multilatéral, notamment lorsque les intérêts américains ne sont pas directement menacés (Ryan Lizza, « The Consequentialist »).

Par ailleurs, pour adapter la posture internationale des Etats-Unis à un système international en pleine mutation, où les rapports de force évoluent face à la montée des émergents, pour préserver les Etats-Unis du « déclin », la nécessité d’un rééquilibrage non seulement des outils, mais aussi des priorités régionales, s’est rapidement imposée. Le pivot vers l’Asie s’est notamment traduit par des stratégies de con-gagement (containment et engagement) alliance intelligente de la dissuasion militaire et des alliances économiques. Certains des défenseurs d’une politique étrangère « décomplexée » de Barack Obama durant le second mandat mettront l’accent sur la diplomatie, dont les résultats historiques sont l’accord sur le nucléaire iranien, et le fait d’avoir renoué des relations avec l’Iran même si l’on est loin d’une normalisation, qui au demeurant n ’était pas l’objectif recherché ; également à la fois saluée et très controversée : la reprise des relations diplomatiques avec Cuba, tournant enfin la page de la guerre froide sur le continent américain.

Au-­delà de ces apparents succès, il y aurait dans la stratégie d’Obama une ambition profonde de transformer les relations des Etats-Unis avec le reste du monde en rompant avec les règles du jeu traditionnelles, mises en place depuis la fin de la guerre froide, que ce soit au niveau des outils utilisés (solution militaire à toute crise), mais aussi au niveau des alliances traditionnelles, notamment au Moyen-Orient, avec une volonté ou une nécessité marquée de rééquilibrer la position des Etats-Unis entre les pouvoirs sunnites et chiites (Jeffrey Goldberg « Obama Doctrine », The Atlantic mars 2016).

Cependant, les thèses alternatives, sont nombreuses et mettent en avant les échecs stratégiques renouvelés de l’administration démocrate notamment au Moyen Orient, en Irak et en Syrie où Barack Obama ne parvient pas à mettre fin à la propagation de la menace terroriste (d’Al-­Quaida et de l’Etat Islamique) et par conséquent à « la grande guerre du moment » (Michael Morell) qui ne s’est manifestement pas arrêtée à Abbottabad avec la mort de Ben Laden. Quant aux thèses qui fustigent les choix de l’administration Obama et prônent une alternative partisane, celle proposée par Colin Dueck dans son dernier ouvrage, The Obama doctrine, insiste sur la priorité donnée par le président Obama à la politique intérieure (nation building at home) qui aurait défini une politique étrangère de retenue (strategic restraint), voire de désengagement (retrenchment), répondant au souhait de la population et aux contraintes budgétaires. Il sera de ce fait particulièrement éclairant d’analyser la politique d’Obama dans une perspective historique, afin de resituer ses choix en favorisant une approche comparative (Johnson, Carter, Nixon, Reagan ou Bush), mais aussi afin de qualifier la portée du désengagement américain sous Obama.

Dans ce contexte, cette rencontre scientifique, qui tentera de replacer l’administration Obama dans une perspective historique, permettra de s’interroger sur les éléments suivants : la « retenue stratégique » (strategic restraint) du président Obama constitue-t-elle une rupture, ou s’agit-il d’une phase normale et attendue de retrait, après la surexpansion des années George W. Bush ? Plus encore, marque-t-elle le début d’un nouveau cycle dans la politique étrangère américaine ?

Plus largement, comment varient les choix stratégiques américains ? Les changements politiques, d’une administration à l’autre, constituent-ils les véritables ruptures, ou faut-il regarder plutôt du côté des contraintes intérieures et/ou internationales ? On pourra ainsi s’interroger sur le rôle du cadre institutionnel, non seulement sur l’élaboration mais aussi sur la mise en œuvre (et donc le résultat) de la politique étrangère : l’influence de ces déterminants (opinion, Congrès notamment) est une constante de la politique étrangère américaine, mais elle varie aussi en fonction du contexte international (Zelizer). Par ailleurs, on s’interrogera aussi sur la manière dont les bouleversements, voire l’effritement de l’ordre international, ont affecté la vision du monde d’Obama et donc sa stratégie internationale. En particulier, le pivot vers l’Asie a-t-il eu un effet contre-productif, agissant en « prophétie auto-réalisatrice » sur la politique extérieure chinoise ? La « mise à distance » du Moyen-Orient a-t-elle joué contre les Etats-Unis en permettant le retour de la Russie ?

Les analyses proposées pourront emprunter aussi bien à la science politique, à l’histoire ou à la civilisation (area studies) et privilégieront les approches thématiques ou régionales, l’idée étant de proposer un ensemble de pistes d’interprétation plutôt qu’un bilan définitif encore impossible sans le recul de l’historien.