Le 4 novembre ont lieu les dernières élections de la présidence Obama, les midterms ou élections de mi-mandat au Congrès, qui renouvellent la Chambre des représentants et un tiers du Sénat. La Chambre est républicaine et devrait le rester, mais l’enjeu de ces élections est au Sénat, qui pourrait basculer républicain, ce qui mettrait le Congrès entièrement aux mains du parti républicain. A noter qu’il est également possible que l’on ignore les résultats définitifs jusqu’à début janvier 2016, en cas de deuxième tour dans certains Etats aux règles électorales spécifiques, en l’occurrence la Géorgie.
(Une première version de cet article a été publiée dans le journal Le Monde ici; j’ai aussi analysé les résultats et leurs conséquences dans l’émission Décryptage de RFI, à réécouter ici).
L’enjeu est loin d’être négligeable, pour plusieurs raisons. D’une part cela fait deux cycles que les républicains ratent la majorité au Sénat pourtant à leur portée à cause de candidats trop extrêmes ; cette fois, ils ont été plus prudents et le leadership a su imposer dans la plupart des cas des personnalités mieux à même de l’emporter. C’est ce qui rend leur victoire possible, voire probable. Obama bat par ailleurs des records d’impopularité, et les midterms sont en règle générale défavorables au pouvoir en place.
L’enjeu est réel d’autre part car, alors qu’il est devenu banal d’évoquer la paralysie de Washington due à l’obstruction du Congrès, cette paralysie est dû davantage à la division du Congrès, entre deux chambres de bords opposés, qu’à la division du pouvoir entre législatif et exécutif. Le système américain n’est pas le système français : le régime des checks and balances définie par la Constitution américaine donne à chaque pouvoir des pouvoirs propres et indépendants : pour le dire autrement, un Congrès républicain serait capable d’imposer sur certains sujets sa volonté au président, y compris en politique étrangère.
Historiquement les Congrès les plus inefficaces ont été les Congrès divisés. A l’inverse, la division du pouvoir est fréquente et même plutôt la règle depuis plusieurs décennies aux Etats-Unis. Ainsi depuis la fin de la Guerre froide, la Maison Blanche et le Congrès n’ont été du même bord politique que pendant huit ans (sur 26).
Un contrôle républicain des deux chambres du Congrès pourrait avoir un impact sur plusieurs dossiers internationaux cruciaux : les négociations avec l’Iran et un éventuel accord ; les négotiations commerciales, concernant aussi bien le Traité Transpacifique que le Traité Transatlantique ; l’aide à l’Ukraine ; la présence américaine en Afghanistan ; la relation avec la Chine et donc l’évolution de la stratégie du pivot, si les républicains persistent dans leur volonté de vendre certains équipements à Taiwan. On pourrait également voir une remise en cause de la baisse du budget du Pentagone, un nouveau vote sur l’emploi de la force militaire en Syrie et contre le groupe Etat Islamique en général, potentiellement une autorisation pour une nouvelle « longue guerre » qui aurait un impact au-delà de la présidence Obama ; voire même une évolution de la stratégie américaine avec un retour de soldats américains sur le terrain (mais il est douteux qu’une majorité de républicains soit prête à endosser la responsabilité d’une telle évolution).
Les deux dossiers sur lesquels le Congrès devrait certainement agir et avec le plus d’impact – mais pour des raisons et avec des conséquences différentes voire opposées : l’Iran et les négociations commerciales. Deux dossiers essentiels pour le reste du monde mais aussi pour l’héritage d’Obama en politique étrangère car concernant la redéfinition de l’architecture de sécurité au Moyen-Orient ; et la réorientation stratégique en cours, le « pivot » vers l’Asie.
Sur l’Iran, où l’on connaît les positions extrêmement dures du Congrès américain pour diverses raisons qu’on ne développera pas ici, il est probable qu’un Sénat républicain suivra la Chambre qui a voté pour un durcissement des sanctions en dépit des négociations (par 400 voix contre 20). Un tel scénario est à attendre tout particulièrement en cas d’échec des négociations au 24 novembre prochain. La majorité des sénateurs républicains y est déjà favorable, sans compter un certain nombre de démocrates. Jusqu’ici, seul Harry Reid, leader de la majorité au Sénat, a pu empêcher ce vote pour protéger les négociations en cours. Un Sénat à majorité républicaine pourrait donc voter rapidement de nouvelles sanctions. Inversement, si un accord est effectivement signé le 24 novembre, il prévoiera nécessairement un allègement des sanctions. Toute l’habileté de l’administration Obama consistera alors à trouver moyen d’agir le plus longtemps possible sans avoir besoin du Congrès ; mais cela ne manquera pas de déclencher une bataille politique, en particulier dans le contexte pré-élection présidentielle qui devrait s’imposer à Washington dès la page des midterms tournée.
L’autre dossier qui devrait évoluer est celui des négociations commerciales, où le Congrès pourrait voter l’autorité (fast-track) permettant à la Maison Blanche de négocier plus facilement que ce soit pour le TPP ou le TTIP. La majorité des républicains et le leadership du parti y sont favorables – l’opposition venait beaucoup plus du parti démocrate et notamment de la base hostile au libre-échange. Or cette autorité pourrait faciliter l’avancement des deux méga-accords commerciaux, pierre angulaire du pivot et élément crucial de la politique américaine vis-à-vis de la Chine.
Bien sûr il faut rappeler également que en cette période d’exécutif impérial, le président dispose de nombreux pouvoirs pour défendre sa politique et limiter les interférences du Congrès – d’autant plus que les parlementaires devraient se concentrer sur la politique intérieure et Obama défendra en conséquence becs et ongles le domaine où il conservera davantage de marge de manœuvre : la politique étrangère. Si un vote sur l’autorité commerciale lui faciliterait la tâche, il n’en est pas de même sur le dossier iranien. Il disposera là-dessus de l’arme présidentielle fatale du veto, dont il usera à n’en pas douter ; mais les parlementaires pourront renverser ce veto par un vote des deux tiers – or ils ont les voix.
Mais le plus grand bémol à l’influence du Congrès tient sans doute à la division actuelle des républicains sur la politique étrangère, et à l’influence de leur aile extrémiste (ou Tea Party) sur la stratégie du parti : l’obstruction tout azimut à Obama pourrait bien dominer, et les parlementaires se concentrer sur les scandales (Hillary Clinton et Benghazi, la libération du soldat Bergdahl) plutôt que sur le contenu de la politique étrangère. Bien sûr, à mesure que la prochaine échéance présidentielle se rapprochera, il sera de plus en plus difficile pour les candidats, dont beaucoup sont au Congrès (les sénateurs Marco Rubio, Ted Cruz et Rand Paul notamment) de ne faire que critiquer sans jamais proposer.
Madame, J’anime moi-même un blog – « bforborde.com » – je souhaiterais pouvoir reprendre votre dernier texte sur les « midterms »… m’autorise-vous à la faire? cordialement Jacques Borde, BforBORDE
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Monsieur, je vous remercie pour votre intérêt et pour votre mot. Par principe, je préfère demander à ce que l’on ne reproduise que les deux ou trois premiers paragraphes, puis que l’on fasse un lien à mon blog.
En vous remerciant, bien cordialement
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Madame,
désolé de vous répondre aussi tardivement. j’ai pris bonne note de vos remarqués & m’y conformerais…
bien cordialement et au plaisir de vous lire
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Bonnes fêtes
cordialement,
jacques borde
BforBORDE
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Merci, et bonnes fêtes à vous également
Cordialement,
MK
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