L’actualité du mois de mai a été marquée par un regain d’attention de Washington pour l’Afrique, lié bien sûr à l’actualité (Boko Haram au Nigeria) ; le maintien d’une présence militaire américaine sur le long terme a été confirmé avec la reconduction de l’accord entre les Etats-Unis et Djibouti. Enfin, le président Obama a annoncé la création d’un nouveau budget pour le contre-terrorisme, « du Sahel à l’Asie du Sud-Est ».

Sur la stratégie américaine en Afrique, voir aussi cet article plus récent sur le blog : « Stratégie américaine en Afrique : risques et contradictions du light footprint »

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Le Nigeria a été au cœur de l’actualité le mois dernier. On pourra consulter cet utile Backgrounder du CFR sur l’implication, les intérêts et les stratégies possibles des Etats-Unis au Nigeria. Du côté du Congrès, les lois Leahy ont constitué un « obstacle significatif » à l’implication de l’armée américaine dans l’entraînement d’unités de l’armée nigériane. L’enlèvement des jeunes lycéennes par Boko Haram a levé certains obstacles grâce à la demande officielle d’aide par le président Jonathan, et semble conduire à une augmentation de l’implication américaine. En particulier, cet article parle de collaboration sans précédent dans le domaine de l’échange de renseignement.

Le Congrès est demeuré très impliqué (du moins jusqu’au scandale suivant concernant les vétérans) organisant notamment une audition avec un témoin nigérian qui a raconté aux élus américains son enlèvement par Boko Haram. Enfin, les Etats-Unis ont finalement dépêché une équipe de 80 militaires pour aider le gouvernement nigérian dans la lutte contre Boko Haram. Il s’agirait d’une équipe de soutien aux drones Predator (mais l’article ne précise pas le nombre de drones déplacés sur le Nigeria).

Dans l’Amérique post-Benghazi (l’attaque de septembre 2012 qui a coûté la vie à l’Ambassadeur américain en Libye, également une affaire hautement politisée aux Etats-Unis car utilisée comme « frappe préventive » des républicains contre la candidature potentielle d’Hillary Clinton), c’est devenu la nouvelle norme, le « new normal » : les équipes d’intervention d’urgence (crisis response teams) se généralisent. L’une d’entre elles, pour l’Afrique et basée en Espagne, a été déplacée en Sicile pour répondre à de nouvelles inquiétudes concernant l’Afrique du Nord (apparemment en Libye). Toujours sur la Libye, le projet américain de formation de troupes libyennes est au point mort pour des problèmes de financement et de sécurité. Voir aussi sur la Libye le très bon rapport du CRS. Enfin, on pourra lire le riche témoignage de F. Wherey au Congrès sur « la crise de sécurité libyenne et comme les Etats-Unis peuvent aider ».

Djibouti demeure le cœur, le « hub » de l’anti-terrorisme américain, comme le montre la reconduction de l’accord entre Djibouti et les Etats-Unis pour 10 ans, renouvelable 10 ans. Une présence augmentée, qui confirme que les Etats-Unis sont là pour le long terme en Afrique. Par ailleurs, le Pentagone a prévu de dépenser plus d’un milliard de dollars sur les 25 prochaines années pour rénover et étendre la base de Camp Lemonnier. Enfin, il semblerait, selon le New York Times, que la Russie ait également approché le gouvernement de Djibouti pour une éventuelle base, ce que les autorités locales auraient refusé (on imagine sous amicale pression de Washington).

Les auditions du mois dernier ont par ailleurs confirmé que, pour le Congrès, AFRICOM est désormais en première ligne dans la nouvelle phase de la lutte anti-terroriste. Sur ce sujet, on pourra lire cet article intéressant sur le contre-terrorisme en Afrique et les Etats faillis dans la revue de sécurité de la Fletcher School, université qui a un bon département de relations internationales.

A noter, ces révélations du New York Times sur l’entraînement d’unités contre-terroristes africaines par des forces spéciales américaines en Libye, Niger, Mauritanie, Mali. Ces « révélations » ont précédé de deux jours le discours de politique étrangère que le président Obama a prononcé à l’Académie militaire de Westpoint (voir aussi ci-dessous), dont l’aspect le plus novateur est sans doute l’annonce de la création d’un nouveau fonds destiné à la lutte contre-terroriste avec des partenaires des Etats-Unis « du Sahel à l’Asie de l’Est » de 5 milliards de dollars (« Counterterrorism Partnerships Fund »).

En réalité, plusieurs programmes existent déjà au sein du budget du Pentagone depuis 2005 pour les plus anciens (voir cet article), mais il y aurait là, si le Congrès accepte de voter le nouveau budget, un saut quantitatif. Certains commentateurs notent par ailleurs les furieuses ressemblances entre ce nouveau plan et la « Global War on Terrorism » de George W. Bush. Toujours sur ce sujet du contre-terrorisme et de la stratégie américaine en Afrique, on peut écouter cet extrait d’une interview que j’ai donnée à RFI.

On lira surtout cet article certainement le plus intéressant sur le discours de Westpoint (car la plupart sont très attendus sur la lassitude de la population américaine et la « faiblesse » ou non du leadership sous Obama), qui s’interroge sur le bilan de l’expérience américaine récente en matière de contre-terrorisme et contre-insurrection. Toujours sur le discours d’ Obama à Westpoint : le texte intégral du discours, les réactions des experts de la Brookings, et celle du public américain.

A consulter également, l’index 2013 des Etats faillis où les pays africains figurent en bonne place.

Enfin, on notera que Washington a nommé un ambassadeur en Somalie pour la première fois depuis 23 ans.